Le comptage des bulletins des scrutins présidentiel et législatifs se poursuit vendredi en Tanzanie, où le sortant John Magufuli et son parti, le CCM, sont en passe d’écraser dans les urnes l’opposition, déjà étranglée ces cinq dernières années et qui crie à la fraude.
Le CCM, au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance, est d’ores et déjà assuré d’une large majorité absolue au Parlement.Les résultats annoncés sur environ 200 des 264 circonscriptions du pays ne donnent que deux sièges à l’opposition, les autres allant au CCM.
La centaine de sièges réservés aux femmes et pourvus par chaque parti en proportion de ses résultats, les cinq députés choisis pour le représenter au sein du Parlement de l’archipel semi-autonome de Zanzibar ou les dix députés maximum nommés par le chef de l’Etat ne changeront rien au rapport de force.
Plusieurs figures du Chadema, principale formation de l’opposition, perdent leur siège dans des bastions historiques de l’opposition, dont le président du parti Freeman Mbowe, député depuis 20 ans et chef de l’opposition parlementaire durant la législature écoulée.
Est également battue Halima Mdee, chef de la branche des femmes du Chadema et critique virulente du président Magufuli, qui avait été brièvement arrêtée le jour du scrutin après avoir dénoncé la découverte dans sa circonscription d’urnes remplies de « bulletins pré-cochés » en faveur de son adversaire du CCM.
John Magufuli, 61 ans, semble d’ores et déjà assuré d’être confortablement réélu pour un 2e mandat.Il l’emporte pour l’heure avec la majorité absolue dans l’ensemble des près de 160 circonscriptions dont les résultats ont déjà été annoncés par la Commission électorale (NEC).
– L’oeuvre d’un « gang » –
Son principal adversaire Tundu Lissu, avocat de 52 ans, a d’ores et déjà rejeté jeudi par avance l’ensemble des résultats des scrutins présidentiel et législatifs qui se sont déroulés la veille sur la partie continentale et à Zanzibar, qui forment la République unie de Tanzanie (environ 58 millions d’habitants).
Ce « n’était pas une élection » mais l’oeuvre d’un « gang qui a décidé de rester au pouvoir coûte que coûte », a accusé M. Lissu en direct sur internet, rejetant par avance des résultats « illégitimes ».
« Le changement démocratique n’est pas possible en Tanzanie », a-t-il déploré, dénonçant « une fraude électorale d’une ampleur sans précédent » en Tanzanie.
L’ambassade américaine en Tanzanie a fait état jeudi soir dans un communiqué d' »assertions crédibles concernant d’importantes fraudes et intimidations », estimant que « ces irrégularités et les victoires par des écarts considérables sèment de sérieux de doutes sur la crédibilité des résultats annoncés » jeudi.
La Tanzanie n’autorise pas de contestation en justice du résultat de la présidentielle – une procédure possible pour les législatives – et M. Lissu a appelé ses partisans à des manifestations « démocratiques et pacifiques » et au soutien de la communauté internationale.
Mais pour l’heure aucun mouvement de protestation n’a été constaté.
Sur l’archipel de Zanzibar dont les quelque 556.000 électeurs votaient pour le scrutin national, mais aussi pour élire leurs propres président et Parlement, c’est également le candidat du CCM, Hussein Mwinyi, qui l’a largement emporté (76,27% des voix).
L’opposition a également perdu de nombreux sièges au Parlement local et son chef Seif Sharif Hamad, battu par M. Minyi à la présidence de Zanzibar, a lui aussi appelé à des manifestations pacifiques.
Des policiers et militaires restaient déployés vendredi à Stone Town, mais les rues de la capitale de l’archipel, théâtre de fréquentes violences électorales, étaient calmes, selon des journalistes de l’AFP