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Pour la fête nationale, les Gabonais viennent voir leur président de leurs propres yeux

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Dix mois après son AVC, le président Ali Bongo Ondimba assiste samedi au défilé militaire pour la fête nationale, une rare apparition publique que les Gabonais attendaient avec impatience pour juger par eux-mêmes s’il peut toujours diriger le pays, contrairement à ce que prétendent ses opposants.

Debout dans un command-car de l’armée, droit comme un I, costume sombre et lunettes noires, le chef de l’Etat est arrivé en milieu de matinée devant la tribune officielle sur la grande avenue du front de mer de Libreville, pour le début de la parade. Il s’est appuyé sur une longue canne pour marcher jusqu’au pied de la tribune puis, sous les applaudissements des personnalités présentes, il a gravi seul les marches jusqu’à son fauteuil, où il a pris place au côté de son épouse Sylvia Bongo, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Nous voulons le voir de nos propres yeux », martelait Jean, un policier de Libreville, plusieurs jours avant le défilé. « Je n’ai pas eu encore la possibilité de le voir, ce n’est pas normal. La situation politique nous inquiète, voilà pourquoi nous irons avec ma famille ».

Tôt samedi matin, de nombreuses personnes ont afflué vers le front de mer, tentant de se frayer un passage à travers de nombreuses barrières de sécurité.

Depuis son accident vasculaire cérébral (AVC) en octobre 2018 en Arabie saoudite, le chef de l’Etat, aujourd’hui âgé de 60 ans, avait délaissé bains de foule et conférences de presse. Il a profité samedi de la fête du 59e anniversaire de l’indépendance pour faire son retour en public.

Vendredi déjà, il était apparu devant la presse pour une cérémonie d’hommage au premier président gabonais, Léon Mba. Il avait pu être filmé et photographié hors du palais présidentiel, devant un parterre de personnalités triées sur le volet.

A part des discours enregistrés et retransmis à la télévision, dont le dernier vendredi soir, et quelques mots prononcés à son arrivée à l’aéroport lors de son retour en mars après une longue convalescence au Maroc, les Gabonais n’ont pas eu l’occasion d’entendre leur président.

« C’est cette incertitude qui fait que la rumeur enfle », souligne Florence Bernault, historienne à l’Institut d’études politiques de Paris et spécialiste du Gabon.

La présidence préfère saturer les réseaux sociaux d’images prises par ses soins, dans son bureau. Des photographies du « boss », comme on l’appelle à Libreville, sont publiées quasi quotidiennement.

Son entourage s’appuie également sur la diplomatie. Sénégal, Côte d’Ivoire, Togo, Guinée équatoriale, Tchad… Depuis mars, les chefs d’Etat alliés se succèdent au palais présidentiel, donnant lieu, là aussi, à des images officielles, sans le son.

Tests médicaux ?

« On était habitué à le voir faire des discours », souligne à l’AFP le politologue gabonais André Wilson Ndombet. Selon lui, cette communication officielle et muette d’un chef de l’Etat autrefois « prolixe » nourrit le doute.

Depuis l’AVC, des rumeurs affirmant même que le président n’était plus en vie avaient pris de l’ampleur, reprises notamment par des responsables syndicaux. L’opposition moins radicale questionne, elle, la capacité du président à continuer à exercer ses fonctions. Dix personnalités de l’opposition ont déposé fin mars un recours devant la justice pour réclamer qu’il se soumette à un examen médical. Une audience en appel est prévue le 26 août.

Le défilé sera « l’occasion pour le citoyen lambda de se faire sa propre opinion », résumait vendredi pour l’AFP Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, un des dix signataires d’un « Appel à Agir » réclamant ces tests médicaux. Il avait appelé les Gabonais à se rendre en masse à la parade.

Ces dernières semaines, les interrogations de l’opposition ont repris de l’ampleur, alors que le chef de l’Etat a séché plusieurs rendez-vous traditionnels. Son absence début août à la journée nationale du drapeau a été vivement commentée dans la presse nationale.

Quelques jours plus tôt, la famille du président avait aussi défrayé la chronique.

Cornaquée par Jean-Boniface Asselé, l’oncle d’Ali et ancien proche de son père Omar Bongo – auquel le président a succédé en 2009 à la tête du pays -, la famille maternelle s’était postée devant sa résidence en exigeant de le voir, critiquant son entourage proche.

Une aubaine pour les journaux de l’opposition, qui accusent le premier cercle de le manipuler.

Pour Florence Bernault, ces rumeurs doivent leur survie à « la peur du faux » des Gabonais, qui n’ont toujours pas digéré la victoire d’Ali Bongo aux élections de 2016, contestée par l’opposition et une partie de la société civile. « C’est un président qui a une légitimité très faible », souligne-t-elle.

AFP

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