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Soudan: l’accord de transition sur un chemin semé d’embûches

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Après des mois d’incertitude, l’accord entre les généraux qui dirigent le Soudan et la contestation est un pas dans la bonne direction pour la transition démocratique. Mais le défi majeur, préviennent les experts, c’est de voir les militaires respecter ce partage du pouvoir.

« La seule voie pour aller de l’avant, c’était un accord négocié entre les deux parties », souligne Alan Boswell, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).

Dévoilée vendredi, l’initiative parrainée par les médiateurs de l’Ethiopie et de l’Union africaine est synonyme de détente, dans un pays où la tension n’a fait que s’accentuer depuis la destitution en avril du président Omar el-Béchir.

Le bras de fer entre le Conseil militaire au pouvoir et les chefs de la contestation avait atteint son paroxysme le 3 juin, avec la dispersion meurtrière d’un sit-in de manifestants devant le siège de l’armée à Khartoum.

Un mois après le drame qui a fait des dizaines de morts, les deux camps ont repris les négociations. Ils ont finalement accepté une présidence alternée à la tête d’un « Conseil souverain », l’instance qui va diriger une période de transition d’environ trois ans.

« Le défi sera d’amener le conseil militaire à réaliser ce qu’il a promis », avertit M. Boswell.

Samedi, le chef du Conseil militaire Abdel Fattah al-Burhane s’est engagé à « préserver » et « appliquer » l’accord, promettant une « étroite coopération » avec l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation.

L’instance de transition sera composée de cinq militaires et six civils, dont cinq issus de l’ALC. Ce sont d’abord les militaires qui vont présider la transition pendant 21 mois, avant que les civils ne prenne la relève pour les 18 mois restant.

« Risque d’une impasse »

Est-ce que « les militaires, ou plus globalement l’appareil sécuritaire, vont pleinement coopérer avec les membres civils du Conseil, ou est-ce que ce sera seulement une coopération de façade », s’interroge Andreas Krieg, professeur à l’université King’s College de Londres.

Général porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1989, M. Béchir a dirigé le pays d’une main de fer pendant trois décennies, avec l’appui des agences de sécurité, notamment le puissant Service national de renseignements et de sécurité (NISS), accusé d’atteintes aux droits humains par des ONG.

« C’est la volonté de l’appareil sécuritaire d’accepter ou non un contrôle des civils qui va déterminer si le Soudan peut aller vers un pouvoir complètement civil », souligne M. Krieg.

Si l’accord de vendredi représente une percée, il est loin d’avoir régler toutes les questions épineuses.

Les deux camps ont décidé de retarder la formation d’un Conseil législatif, qui doit faire office de Parlement de transition.

Avant la rupture des négociations en mai, ils s’étaient mis d’accord sur un quota de 67 % alloué à l’ALC au sein de ce Parlement. Mais le Conseil militaire réclamait la révision de ce pourcentage, qui a été finalement supprimé dans la dernière version du plan de transition.

« Le fait qu’ils n’aient pas encore réussi à se mettre d’accord sur ce Conseil législatif est un signal d’alarme », indique M. Boswell. « Cela risque de devenir une nouvelle impasse », met-il en garde.

« Fardeau très lourd »

« Même dans le meilleur des scénarios, le Soudan devra cheminer sur une transition pleine de défis pour des années », avance M. Boswell.

Les contestataires « vont quasi certainement avoir besoin de continuer à mobiliser la rue pour faire pression sur le Conseil militaire, afin qu’il respecte ses engagements », juge-t-il.

Babiker Faisal, figure de l’ALC qui a participé aux négociations, assure qu’il « fallait arriver à un accord ».

« Dans un contexte de tensions, se mettre d’accord sur un Conseil souverain et un gouvernement, c’est déjà un pas en avant », plaide-t-il. « L’autre choix aurait été la voie de la confrontation ».

L’ALC va devoir former un gouvernement de technocrates. Qualifiant le redressement économique de priorité, M. Faisal promet un « programme de secours » notamment contre l’inflation.

« La situation économique est très difficile », reconnaît-t-il. « C’est un des défis importants, cette révolution a aussi été déclenchée à cause de la crise du pain », rappelle-t-il.

Avant de prendre une tournure politique, les manifestations avaient éclaté en décembre pour protester contre le triplement du prix de cette denrée indispensable.

Pour Khaled al-Tijani, rédacteur en chef du journal Elaff, la formation du gouvernement sera un test majeur pour les contestataires.

« Le gouvernement représentera les forces de l’ALC, et donc les révolutionnaires », estime-t-il.

« Au final, tout échec leur sera imputé. C’est leur responsabilité, ils se sont chargés d’un fardeau très lourd », prévient M. Tijani.

AFP

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