Dans la ville de Kabwe, en Zambie, un drame sanitaire silencieux se joue depuis des décennies. L’ancienne exploitation de plomb et de zinc a laissé derrière elle un héritage toxique qui met en péril la santé des habitants, en particulier celle des enfants. Plutôt que de résoudre le problème, le gouvernement zambien autorise aujourd’hui de nouvelles exploitations minières dans ces déchets dangereux, exposant encore plus la population à une pollution meurtrière, dénonce Human Rights Watch (HRW) dans un rapport accablant.
Une contamination généralisée
La pollution au plomb à Kabwe est parmi les pires du monde. Selon les recherches, plus de 95 % des enfants vivant près de l’ancienne mine ont des niveaux de plomb dans le sang alarmants, dont la moitié nécessiterait un traitement médical immédiat. Le plomb est un métal hautement toxique qui peut causer des troubles neurologiques graves, des handicaps intellectuels, et même la mort. Les femmes enceintes sont également à risque, avec un taux élevé de fausses couches et de complications.
Un gouvernement complice ?
Malgré cette catastrophe sanitaire, les autorités zambiennes continuent de délivrer des licences d’exploitation à des entreprises sud-africaines, chinoises et locales pour extraire les résidus de minerais présents dans les déchets de la mine. Ces activités, menées sans contrôle strict, aggravent la contamination. Pire encore, les déchets toxiques sont déplacés à travers la ville et entreposés à ciel ouvert, mettant en danger des milliers de familles.
« Partout dans Kabwe, on voit des montagnes de déchets toxiques », témoigne un jeune militant local. « Les enfants jouent dessus, sans savoir qu’ils sont en train de s’empoisonner. »
Des habitants pris au piège
À Kabwe, la misère pousse de nombreux habitants à risquer leur vie pour extraire quelques fragments de plomb ou de zinc des déchets miniers. Des mineurs artisanaux, dont de nombreuses femmes, creusent à mains nues dans ces sols contaminés pour survivre. Une mère raconte à HRW : « J’emmenais mon fils avec moi sur le site. À 15 ans, il a commencé à perdre la mémoire. Mais que pouvais-je faire ? C’est le seul moyen de gagner un peu d’argent. »
Une inaction politique criante
Le rapport de HRW dénonce également l’inaction totale du gouvernement. Malgré les lois zambiennes qui prévoient des sanctions contre les entreprises responsables de pollution incontrôlée, aucune mesure concrète n’a été prise. L’Agence zambienne de gestion de l’environnement n’a même pas publié les évaluations d’impact des entreprises opérant à Kabwe, laissant le fléau se perpétuer.
En 2020, une plainte collective a été déposée en Afrique du Sud contre l’entreprise Anglo American, accusée d’avoir contribué à cette catastrophe sanitaire entre 1925 et 1974. Mais la justice a rejeté l’affaire, et les plaignants ont fait appel. Pendant ce temps, la pollution continue de tuer.
Des annonces sans lendemain
Malgré plusieurs déclarations du président Hakainde Hichilema sur la nécessité de nettoyer Kabwe, aucune action concrète n’a suivi. En 2022 et 2024, il a promis la création d’un comité spécial pour gérer la crise, mais rien n’a été mis en place.
Face à cette crise humanitaire, HRW exhorte le gouvernement zambien à suspendre immédiatement les exploitations minières dangereuses et à révoquer les licences des entreprises impliquées. L’organisation appelle également à une vaste opération de dépollution en collaboration avec les communautés locales et les experts environnementaux.
« Il est temps que la Zambie protège ses enfants avant de protéger les profits des compagnies minières », déclare Juliane Kippenberg de HRW. « Tant que la dépollution ne sera pas une priorité, des générations entières de Kabwe resteront condamnées à une vie d’empoisonnement. »
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