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Guinée : justice pour les victimes du « massacre de Zogota »

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La Cour de justice de la Cedeao reconnaît l’État guinéen coupable de plusieurs violations des droits humains dans une zone d’exploitation du fer.

« On a gagné le procès ! » À 10 h 30, ce mardi matin, scotché devant la vidéo qui retransmet en direct depuis Abuja la décision de la Cour de justice de la Cedeao dans l’affaire du « massacre de Zogota », Me Foromo Frédéric Loua exulte. Cet avocat au barreau de la Guinée est le président de l’ONG guinéenne Les Mêmes Droits pour tous (MDT), un des nombreux plaignants contre l’État guinéen pour violations des droits de l’homme. L’affaire remonte à 2012, et plus précisément à la nuit du 3 au 4 août.

« Aux environs d’une heure du matin, les habitants de Zogota ont été brutalement attaqués dans leur sommeil par des éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) venues dans les environs du village à bord d’une dizaine de véhicules appartenant à l’armée, à la police et à la gendarmerie. Cette attaque nocturne, d’une ampleur jamais égalée dans la contrée, a duré près de quatre heures et s’est soldée par la mort de cinq citoyens abattus sur-le-champ et d’un sixième citoyen décédé de ses blessures au petit matin à l’hôpital régional de N’Nzérékoré [capitale régionale de la Guinée forestière, NDLR]. Ceux qui étaient sortis de leur maison à la suite des coups de fusil ont également essuyé des tirs à bout portant et reçu des gaz lacrymogènes. Les plus chanceux ont été arrêtés et torturés, avant d’être amenés manu militari à N’Zérékoré, où ils seront arbitrairement détenus pendant plusieurs jours », détaille la plainte enregistrée le 19 octobre 2018 par la juridiction régionale d’Abuja et consultée par Le Point Afrique.

Dans son arrêt de ce 10 novembre 2020, la Cour de justice de la Cedeao déclare la Guinée coupable d’avoir enfreint « le droit à la vie », « le droit de ne pas être soumis à la torture, aux traitements inhumains, cruels ou dégradants », « le droit à ne pas faire l’objet de détention et arrestation arbitraire », « le droit à un recours effectif », et condamne l’État à des dédommagements envers les victimes et les ayants droit des personnes décédées durant cette nuit de violences. Une trentaine d’entre eux figurent parmi les plaignants aux côtés de l’ONG guinéenne MDT et de l’ONG américaine Advocates for Communitiy Alternatives (ACA), spécialisée notamment dans l’appui juridique aux communautés villageoises victimes d’infractions commises par des multinationales.

La course au fer guinéen

Les faits se sont déroulés en Guinée forestière, à la frontière entre le Liberia et la Côte d’Ivoire. La zone recèle le plus grand trésor de fer inexploité au monde : la chaîne de montagnes de Simandou. Il est convoité depuis la fin des années 1990. Mais, en décembre 2008, à la fin du règne du général Lansana Conté, la moitié du gisement a atterri entre les mains de Beny Steinmetz Group Resources (BSG-R). Et en prospectant dans la zone, l’équipe du magnat franco-israélien a aussi déniché à l’extrême sud de Simandou une autre montagne de fer de 14 kilomètres de long : Zogota, du nom du village le plus proche.

Dans « l’étude de faisabilité du gisement de minerai de fer de Zogota » datée du 16 novembre 2009, BSG-R écrit : « Zogota fournira 15 ans de production et de prospérité soutenues pour le peuple de la Guinée. » Production estimée : 28 millions de tonnes par an. Le 19 mars 2010, l’État guinéen octroie à BSG-R Guinée un permis d’exploitation pour la moitié des quatre blocs de Simandou, ainsi que pour le gisement de Zogota. Dans la foulée, BSG-R crée une joint-venture avec le géant du fer brésilien Vale. Et c’est le Brésilien qui se retrouve surtout chargé de l’extraction et de la commercialisation du minerai. En janvier 2012, Vale confirme ainsi l’entrée en production imminente de Zogota et…Lire la suite

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