L’armée éthiopienne a annoncé mercredi avoir bombardé des dépôts d’armes et de carburants dans la région dissidente du Tigré, où le gouvernement mène depuis une semaine une opération militaire qui a poussé plus de 8.000 personnes à trouver refuge au Soudan voisin.
Le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), qui dirige la région, défie l’autorité du gouvernement fédéral depuis plusieurs mois.
L’Ethiopie a déjà mené plusieurs frappes aériennes depuis le début de l’opération lancée le 4 novembre au Tigré par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed en réponse, selon lui, aux attaques de deux bases de l’armée éthiopienne sur place par les forces du TPLF, ce que celui-ci a démenti.
Mercredi, le chef de l’armée de l’air éthiopienne, le général Yilma Merdassa a déclaré que de nouveaux bombardements aériens avaient visé « des dépôts d’armes et de carburant ainsi que d’autres zones que la junte du TPLF avait prévu d’utiliser », a rapporté la radio-télévision Fana BC (FBC), affiliée au pouvoir.
Parallèlement, le chef de la « division endoctrinement » de l’armée, Mohammed Tessema, a affirmé à l’agence de presse officielle Ethiopian News Agency que la localité tigréenne d’Humera, frontalière du Soudan et de l’Erythrée, était « sous contrôle total » de l’armée.
« L’armée est actuellement en train de reprendre des sites sur la route entre la localité d’Humera et celle de Sheraro », plus au sud, a-t-il ajouté.
En raison du blackout sur les communications au Tigré et des restrictions aux déplacements des journalistes, il est impossible de vérifier ces assertions de source indépendante.
Seule certitude, les combats ont déjà poussé plus de 8.000 Éthiopiens à se réfugier ces dernières 48 heures dans l’Est du Soudan, frontalier du Tigré, selon des responsables gouvernementaux soudanais cités mercredi par l’agence Suna.
Une source gouvernementale soudanaise a confié à Suna que jusqu’à 200.000 Ethiopiens pourraient se réfugier au Soudan.
La police éthiopienne, citée par Fana BC a indiqué mercredi avoir arrêté 17 officiers de l’armée éthiopienne, accusés de « trahison » au profit des forces du Tigré.
Ils « ont été arrêtés pour avoir créé un terrain propice à une attaque de la junte » au pouvoir au Tigré « contre les forces de défense nationale », écrit Fana BC sur son site internet, citant la police.
Cette dernière ne lie pas explicitement ces arrestations aux attaques intiales dont le gouvernement a accusé les forces du Tigré, qui visaient deux bases du Commandement Nord de l’armée fédérale.
Mais elle indique que ces militaires sont accusés « d’avoir coupé les réseaux de communication entre le Commandement Nord et le Commandement central » de l’armée, selon Fana BC.
Selon Fana BC, l’un des officiers arrêtés est le général Gebremedihn Fekadu, chef du département des communications des forces armées éthiopiennes.
– « détruire l’armée de l’intérieur » –
Un ancien haut responsable de l’armée, le général Bacha Debele, rappelé dans les rangs au début de l’intevention au Tigré par le gouvernement a attribué ces attaques initiales à « des membres tigréens de l’armée ayant reçu pour mission du TPLF de détruire l’armée de l’intérieur ».
« Toutes les communications avec le commandement central ont été coupées (…) c’était un sabotage de l’intérieur », a expliqué le général Debele lors d’une conférence de presse de retour d’une visite aux bases du Commandement Nord au Tigré, assurant qu’aucune des unités n’avait fait défection au profit du TPLF comme celui-ci l’a affirmé.
Il a évoqué des morts dans les deux camps, sans plus de précisions.
Le TPLF, tout-puissant durant les presque 30 ans qu’il passa aux commandes des institutions politiques et sécuritaires en Ethiopie accuse M. Abiy de l’avoir progressivement écarté du pouvoir depuis qu’il est devenu Premier ministre en 2018 et a organisé en septembre des élections régionales considérées comme illégitimes par Addis Abeba.
Prix Nobel de la paix 2019, M. Abiy a assuré mardi que les opérations militaires au Tigré étaient sur le point d’aboutir et visaient notamment à désarmer les forces des autorités régionales et à rétablir « une autorité légitime dans la région ».
Mercredi, Daniel Bekele, directeur de la Commission éthiopienne des droits de l’Homme (EHRC), institution publique indépendante, s’est inquiété sur Twitter de l’arrestation de six journalistes, sans préciser la date ou les motifs de celle-ci.
AFP