Le Maroc, accusé d’avoir eu recours au logiciel d’espionnage Pegasus, multiplie les attaques judiciaires en France contre les médias ayant révélé ou dénoncé l’affaire, notamment via des procédures en diffamation à la recevabilité toutefois très incertaine.
Le 22 juillet, le Maroc avait lancé une première procédure en diffamation contre Amnesty et Forbidden Stories, les deux organisations ayant obtenu la liste des numéros de téléphones ciblés par les clients de Pegasus, logiciel développé par le groupe israélien NSO.
Mercredi, l’avocat du royaume du Maroc, Me Olivier Baratelli, a annoncé à l’AFP avoir fait remettre « quatre nouvelles citations directes en diffamation ». Deux d’entre elles visent le quotidien Le Monde, membre du consortium de 17 médias internationaux ayant révélé le scandale, et son directeur Jérôme Fenoglio, une troisième poursuit le site d’information et d’investigation Mediapart et son patron Edwy Plenel, et la dernière attaque Radio France, également membre du consortium, a précisé l’avocat.
Une première audience procédurale est prévue le 15 octobre devant la chambre spécialisée en droit de la presse, mais si un procès se tenait, il ne devrait pas avoir lieu avant environ deux ans. D’autant que cette procédure va se heurter à une jurisprudence récente de la Cour de cassation: saisie déjà par le Maroc après plusieurs rejets de ses plaintes, la Cour a jugé en 2019 qu’un État ne pouvait pas engager de poursuites en diffamation publique, faute d’être un « particulier » au sens de la loi sur la liberté de la presse.
« L’État marocain est parfaitement recevable » puisqu’il agit aussi pour « le compte de ses administrations et de ses services », assure Me Baratelli qui entend ferrailler contre cette jurisprudence défavorable. De son côté, le ministre marocain de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, dépose mercredi à Paris une plainte en « dénonciation calomnieuse » à l’encontre de Mediapart et de son directeur de publication Edwy Plenel, a annoncé dans un communiqué l’avocat du ministre, Me Rodolphe Bosselut.
Le ministre entend contester « les allégations insidieuses et les calomnies colportées depuis plusieurs jours par ces médias qui portent des accusations graves, contre des institutions qu’il représente, sans avancer la moindre preuve concrète », poursuit le communiqué.
Le ministre dénonce encore « une cabale médiatique ».Sa plainte en « dénonciation calomnieuse » répond aux plaintes contre X déposées le 19 juillet par Mediapart, dont deux journalistes ont été espionnés via le logiciel Pegasus.
Elle ne pourra toutefois pas être examinée immédiatement par la justice française, mais seulement au terme de l’enquête ouverte le 20 juillet par le parquet de Paris sur ce vaste scandale d’espionnage et dans le cas où le ministre et ses services sont mis hors de cause.
AFP