Un groupe armé islamiste envisage d’attaquer un convoi civil escorté par l’armée malienne et des milices alliées dans le nord-est du Mali, le 7 février 2025, tuant au moins 34 civils et en bénissant 34 autres, selon un rapport de Human Rights Watch publié ce jour. Ce drame met en lumière la nécessité pour toutes les parties au conflit de renforcer la protection des civils lors des opérations militaires.
Une attaque brutale en plein jour
Selon des témoins, l’attaque s’est produite en début d’après-midi sur l’axe routier dépendant de Gao à Ansongo, à environ 90 kilomètres au sud de Gao. Un convoi d’au moins 19 véhicules transportant plus de 100 civils – majoritairement des mineurs nigériens et des commerçants maliens – était escorté par cinq véhicules militaires et plusieurs motos transportant des soldats maliens et des miliciens.
À l’entrée du village de Kobe, des assaillants ont ouvert le feu sur le convoi. « Tout d’un coup, nous avons entendu des tirs, c’était intense », raconte un survivant de 51 ans, blessé en plus d’un bus. « J’ai senti quelque chose sur ma cuisse droite, puis j’ai vu du sang. Je me suis allongé et j’ai fait le mort jusqu’à ce que les soldats me secourent. »
Un autre témoin, père de deux enfants blessés dans l’attaque, décrit la scène de chaos : « Les balles fusaient, les terroristes criaient ‘Allah Akbar’. Mon fils a été touché aux fesses et à la cuisse droite, ma fille aux jambes et aux bras. »
Un bilan lourd et des zones d’ombre
Le chef d’état-major de l’armée malienne a annoncé un premier bilan de 25 civils tués et 13 blessés. L’armée affirme avoir mené de « violents combats » contre les assaillants et récupéré les corps de 19 terroristes ainsi que des armes et du matériel. Toutefois, le nombre de soldats et miliciens maliens tués ou blessés n’a pas été précisé.
L’attaque s’est produite dans une zone où l’organisation État islamique au Grand Sahara (EIGS) est active depuis plusieurs années. Des habitants de Gao rapportent que, quelques jours avant l’attaque, des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner avaient affronté des membres de l’EIGS sur la même route, tuant plusieurs d’entre eux et récupérant de l’argent et des armes.
Parmi les victimes civiles, on dénombre 13 Maliens et 21 étrangers, principalement Nigériens. Les blessés incluent 20 Maliens et 14 Nigériens. Une liste établie par des habitants de Gao mentionne 13 victimes maliennes, dont 5 femmes âgées de 20 à 60 ans.
Des escortes militaires controversées
Face à la recrudescence des attaques contre les civils sur cet axe, les autorités militaires de Gao imposent des escortes aux voyageurs armées depuis fin 2024. Toutefois, certains commerçants et habitants dénoncent une stratégie qui les expose davantage. « Les soldats attirent l’attention des groupes armés », affirme un commerçant d’Ansongo. « Si l’armée est attaquée, les civils se retrouvent pris entre deux feux. »
Depuis 2012, le Mali est en proie à une insécurité croissante due aux actions de plusieurs groupes islamistes armés, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, et l’EIGS. Ces affrontements ont provoqué des milliers de morts et le déplacement forcé de plus de 378 000 personnes.
Le retrait de la mission de maintien de la paix de l’ONU en décembre 2023, à la demande des autorités maliennes, suscite de vives inquiétudes quant à la protection des civils et au suivi des violations des droits humains.
Un appel à une enquête impartiale
Human Rights Watch exhorte le gouvernement malien à enquêter sur l’attaque du convoi afin de déterminer si l’EIGS a toujours visé des civils en violation du droit humanitaire international.
Les lois de la guerre interdisent toute attaque intentionnelle contre des civils et exigeant des précautions maximales pour éviter les pertes humaines. Si les forces maliennes et milices accompagnaient bien un convoi militaire légitime, les civils présents n’auraient pas dû être pris pour cible.
Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior pour le Sahel chez Human Rights Watch, insiste sur la nécessité de repenser la protection des civils : « Étant donné les nombreuses atrocités commises par les groupes islamistes armés contre les civils au Mali, il est compréhensible que les autorités souhaitent des escortes militaires. Mais elles envisagent d’autres alternatives, comme des escortes policières qui ne sont pas des cibles militaires légitimes. »
La situation sécuritaire au Mali reste extrêmement préoccupante, et la population civile continue de payer un lourd tribut dans ce conflit qui semble s’enliser.
La rédaction