Ce qui n’était qu’une révolte de rue est en train de se transformer en crise d’État. Dimanche 12 octobre, le ministre malgache des Armées a officiellement reconnu le général Démosthène Pikulas comme nouveau chef d’état-major, un officier désigné non pas par la présidence, mais par une unité militaire passée du côté des manifestants : le CAPSAT.
Ce geste, inédit, bouleverse les équilibres. En validant la nomination d’un officier soutenu par une troupe insoumise, le ministre a donné un signal fort celui d’une armée désormais divisée entre fidélité au président Andry Rajoelina et sympathie pour une contestation populaire qui gagne du terrain. « Je lui donne ma bénédiction », a-t-il déclaré lors de la cérémonie d’investiture, un mot qui sonne comme une légitimation implicite de la dissidence.
La veille, le CAPSAT, déjà acteur de la mutinerie de 2009 ayant conduit Rajoelina au pouvoir, avait affirmé avoir pris le contrôle de l’armée. « Tous les ordres, terre, air, mer, émaneront désormais de notre quartier général », annonçaient ses officiers dans une vidéo virale. Le président a immédiatement dénoncé « une tentative illégale de prise de pouvoir par la force ».
La rue et les casernes à l’unisson
Ce dimanche, des soldats du CAPSAT ont défilé aux côtés des milliers de manifestants réunis à Antananarivo pour rendre hommage aux victimes des violences récentes. L’émotion et la ferveur dominaient. « On vaincra, car le mal ne vaincra pas à Madagascar », a lancé le colonel Michael Randrianirina devant la foule, sous les applaudissements. L’ancien président Marc Ravalomanana, renversé par une insurrection soutenue par ces mêmes militaires il y a seize ans, était également présent, aux côtés de figures de l’opposition.
Une loyauté ébranlée
Alors que la crise s’approfondit, des officiers de la gendarmerie ont publié une vidéo reconnaissant « des fautes et des excès » commis contre les manifestants, appelant à la « fraternité » entre forces armées. Ce repentir public illustre la fragilité de la chaîne de commandement et l’effritement du contrôle du pouvoir sur ses forces.
Le président Rajoelina tente de garder la main. Dans un communiqué, il a appelé au « dialogue » et dénoncé une « violation de la Constitution ». Mais la réalité sur le terrain montre un État en déséquilibre, où les ordres s’entrechoquent et les allégeances se déplacent.
Imedias.net