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Ebrahim Rasool expulsé : Pretoria peut-elle encore sauver ses relations avec Washington ?

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L’image était frappante : Ebrahim Rasool, ancien ambassadeur d’Afrique du Sud aux États-Unis, acclamé par des centaines de personnes à son arrivée à l’aéroport du Cap. Ce n’était pourtant pas un retour triomphal, mais une expulsion brutale orchestrée par l’administration Trump. Dix jours plus tôt, celui qui fut un militant acharné contre l’apartheid était déclaré persona non grata par Washington, sous prétexte qu’il attisait les tensions raciales et nourrissait une hostilité ouverte à l’égard du président américain.

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche il y a trois mois, les relations entre Pretoria et Washington sont devenues plus tendues que jamais, notamment sur des questions économiques et géopolitiques.

Un diplomate pris dans la tourmente idéologique

Si Ebrahim Rasool a été expulsé, ce n’est pas seulement en raison de ses déclarations critiques à l’égard de Donald Trump. C’est aussi parce qu’il s’est retrouvé au cœur d’un débat qui dépasse sa personne : la place de l’Afrique du Sud dans le nouvel ordre mondial voulu par Washington.

L’ancien ambassadeur n’a pas mâché ses mots à son retour : « Ces États-Unis ne sont pas ceux d’Obama ou de Clinton. Ce sont des États-Unis différents, et par conséquent, notre langage doit changer. » Par cette déclaration, Rasool souligne un fait que Pretoria doit désormais intégrer : la politique étrangère américaine sous Trump ne repose plus sur le pragmatisme diplomatique, mais sur une vision idéologique clivante.

Le milliardaire populiste a en effet introduit une ligne de fracture claire : dans le dossier sud-africain, il a fait des Afrikaners , ces descendants de colons blancs, une cause politique aux États-Unis, allant jusqu’à leur réserver un programme d’asile spécifique. Un message qui ne passe pas auprès des autorités sud-africaines, accusées par Washington d’être hostiles aux intérêts de cette communauté.

Le spectre des représailles économiques

Au-delà du choc politique, la crise diplomatique qui se profile pourrait avoir des répercussions économiques considérables. L’Afrique du Sud, actuellement à la présidence du G20, considère toujours les États-Unis comme un partenaire commercial stratégique, après la Chine. Mais cette relation est aujourd’hui sous pression.

Pretoria craint en particulier une remise en cause de l’ AGOA ( African Growth and Opportunity Act ), un programme qui permet à plusieurs pays africains, dont l’Afrique du Sud, d’exporter des produits vers les États-Unis sans droits de douane. Une exclusion de cet accord serait un coup dur pour l’économie sud-africaine, qui souffre déjà d’un ralentissement de la croissance et d’un taux de chômage élevé.

Dans ce contexte, la déclaration du président Cyril Ramaphosa, affirmant que l’amélioration des relations avec Washington restait une priorité, apparaît comme une tentative de calmer le jeu. Mais peut-on encore réconcilier les deux partenaires sans concessions majeures ?

L’effet Musk et la fracture géopolitique

L’opposition entre Pretoria et Washington ne se limite pas aux questions économiques. La récente plainte sud-africaine contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye pour génocide à Gaza a cristallisé les tensions. Donald Trump, ardent soutien de Tel-Aviv, voit dans cette initiative une attaque directe contre ses alliés.

Le dossier sud-africain a également été exacerbé par l’influence croissante d’Elon Musk. Originaire de Pretoria, le milliardaire sud-africain, devenu un proche de Trump, ne cesse de critiquer le gouvernement de son pays d’origine, l’accusant de discrimination à l’égard des populations blanches. Un discours qui trouve un écho dans la droite conservatrice américaine et qui alimente la fracture entre les deux nations.

Un divorce inévitable ?

Si l’expulsion d’Ebrahim Rasool est un épisode marquant, il n’est sans doute que le symptôme d’un divorce plus profond. L’Afrique du Sud, qui tente d’affirmer son indépendance diplomatique en jouant la carte du multilatéralisme, se retrouve aujourd’hui confrontée à une Amérique plus dure et plus imprévisible.

La question est désormais de savoir si Pretoria acceptera d’adapter sa posture pour préserver ses intérêts économiques, ou si elle assumera un éloignement progressif des États-Unis au profit d’autres alliances, notamment avec la Chine et la Russie.

Dans ce jeu d’équilibre précaire, une chose est sûre : l’Afrique du Sud ne peut plus compter sur l’Amérique de Trump comme elle le faisait hier.

Imedias.net

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