Alors que les violences s’intensifient dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme sur les risques sanitaires et humanitaires grandissants. La progression du groupe armé M23 dans la province du Sud-Kivu accentue une situation déjà catastrophique, marquée par la recrudescence du mpox (variole simienne) et l’aggravation des violences contre les civils.
Une épidémie hors de contrôle
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte sur la détérioration de la crise sanitaire à Goma, capitale du Nord-Kivu, où la propagation du mpox prend une ampleur inquiétante. Selon les derniers chiffres du 30 janvier, seuls 15 des 143 cas confirmés étaient encore isolés. Face à l’insécurité, nombre de patients ont fui les centres de traitement de Goma et Nyiragongo, rendant plus difficile le contrôle de l’épidémie.
Le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a insisté sur la nécessité de reprendre en urgence les mesures de réponse à la variole. Il a également rappelé que, bien que le nombre de cas signalés se soit stabilisé en RDC, l’abandon des structures médicales par les malades, lié à l’insécurité, favorise la propagation du virus.
Avec 14.530 cas confirmés et 43 décès, la RDC demeure le pays le plus touché par le mpox. Plus de 20.000 cas suspects ont été recensés dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu depuis 2024, dont 6.000 au cours des six dernières semaines. Les flambées de la maladie sont notamment alimentées par les souches MPXV des clades Ia et Ib, identifiées dans plusieurs régions du pays.
Violences en hausse et crise sécuritaire majeure
Sur le terrain, la situation ne cesse de se détériorer. La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) rapporte que le M23 renforce sa présence à Goma, organisant des patrouilles et des perquisitions de domiciles. Des pillages, des occupations de maisons privées et la saisie de véhicules, y compris ceux d’organisations humanitaires, ont été signalés.
Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a exprimé ses inquiétudes quant à l’avancée du M23 vers Bukavu, capitale du Sud-Kivu. Les combats font rage aux abords de Minova, tandis que les forces congolaises ont renforcé leurs positions à Nyabibwe, située à 85 km de Bukavu.
La MONUSCO, qui s’est retirée du Sud-Kivu depuis juin dernier dans le cadre d’un plan de désengagement convenu avec le gouvernement congolais, ne peut plus intervenir directement pour stabiliser la situation.
Un bilan humain dramatique
Selon l’OMS, les affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et le M23 à Goma ont déjà causé la mort d’au moins 787 personnes et fait près de 3.000 blessés. La saturation des hôpitaux et des morgues, dépassés par l’afflux de corps, complique encore davantage la prise en charge des victimes.
Depuis le 21 janvier 2025, plusieurs centaines de milliers de civils ont fui les zones de combat, cherchant refuge dans des conditions précaires. L’OMS signale également un manque criant de médicaments, de carburant et de matériel chirurgical pour répondre à l’urgence sanitaire.
Reprise progressive des activités à Goma
Malgré la persistance de la crise, les activités économiques reprennent lentement à Goma. Toutefois, les écoles et les banques restent fermées. Les organisations humanitaires tentent d’évaluer l’impact des pillages sur leurs stocks de vivres et de médicaments, alors que les distributions d’aide humanitaire peinent à reprendre.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) affirme avoir prépositionné des fournitures et se tenir prêt à reprendre ses opérations dès que les conditions sécuritaires le permettront. En RDC, une personne sur quatre est confrontée à une insécurité alimentaire sévère.
Violences sexuelles : une inquiétude croissante
La Représentante spéciale de l’ONU sur les violences sexuelles en période de conflit, Pramila Patten, dénonce une recrudescence des violences sexuelles commises à l’encontre des femmes et des filles. Le 27 janvier, lors d’une évasion massive de la prison de Muzenze à Goma, au moins 165 femmes auraient été violées.
Selon plusieurs rapports, des viols collectifs et des cas d’esclavage sexuel auraient été perpétrés par toutes les parties au conflit. Mme Patten exhorte les belligérants à respecter leurs obligations en matière de droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Une crise entravant le développement
Au-delà de la catastrophe humanitaire, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) met en garde contre les effets délétères du conflit sur l’économie et les infrastructures. La destruction d’écoles, de centres de santé et d’infrastructures essentielles compromet gravement les progrès vers les Objectifs de développement durable (ODD).
« Chaque jour de conflit supplémentaire aggrave la pauvreté, perturbe l’accès à l’éducation et aux soins de santé, et affaiblit les bases d’une reprise économique durable », a déclaré Achim Steiner, Administrateur du PNUD.
Face à l’ampleur de la crise, l’ONU appelle la communauté internationale à intensifier son soutien humanitaire et à exercer une pression diplomatique pour parvenir à un cessez-le-feu et une solution politique durable au conflit en RDC.